lundi 10 octobre 2011

Essai de critique : TOUT EST BON DANS LE COCHON (DE GAZA)

                              


Le film traite d'un sujet politiquement sérieux : celui du conflit israélo-palestinien qui sévit depuis maintenant trop longtemps. Il montre à la fois l'absurdité et l'enlisement de celui-ci. Avec beaucoup d'humour, il provoque un rire désopilant chez le spectateur qui se trouve face à des situations hilarantes. Mais ici le côté drôle n'est pas là pour masquer superficiellement des enjeux plus profonds; il est là pour dédramatiser une situation absurde: l'impossibilité pour deux peuples de cohabiter, de coexister. Cet humour marque la simplicité et la connivence de deux mondes qui peuvent tout à fait se réunir sur des plans aussi humains que ceux touchants aux besoins de se loger, de se nourrir, rire, croire et vivre ensemble mais qui n’y arrivent pas. Même si le long-métrage traite des méfiances des musulmans à l'égard des juifs et inversement, ce notamment grâce au regard perplexe du protagoniste Jafaar (interprété par Sasson Gabai) à travers les grilles qui le séparent d'une colonie israélienne, un but et un intérêt communs ne peuvent que rapprocher des êtres au premier abord si différents, qui ne le sont finalement que par leurs coutumes et leurs croyances. Pourtant ici une croyance les réunit : le cochon est un animal impur. Ce but commun est celui sinon de se débarrasser tout du moins de tirer profit du cochon, animal qui ne peut toucher aucun des deux sols sans le souiller et qui est considéré comme le pire des vices, mais moins pire que de parler à un soldat israélien ayant envahi votre maison. Le musulman considère ce cochon comme une punition d’Allah et en a peur. Il est plusieurs fois vu en train d’essayer de se purifier grâce aux ablutions. L’eau est pour lui salvatrice alors même que c’est cette eau méditerranéenne qui lui a apporté le cochon. Jafaar est terrifié par une créature qu’il ne connaît pas et qu’il apprend à apprécier ou plutôt considérer davantage au fil des bobines qui passent. Le cochon serait-il, plus qu’un lien entre les deux peuples, une métaphore de l’Autre être qu’il faut comprendre et accepter ?
Sans promouvoir un message politique en faveur d’un Etat palestinien (« Ce cochon est un danger pour notre Etat ! - Mais on n’a pas d’Etat ! » réplique un palestinien comme dans un cri déchirant mais ironique à propos de cette sorte de manque de reconnaissance d’une entité qui pourtant existe sur le terrain) ou du renforcement des colonies israéliennes, sans prendre position (et c’est là certainement le coup de génie du réalisateur Sylvain Estibal), le Cochon de Gaza promeut surtout un message social et pacifique.

Toute l’émotion se ressent lorsque les dialogues écrits avec justesse laissent placent au silence de la mer, à la beauté des paysages, à l’envol des oiseaux vers une liberté tant désirée, à cette dispute vaine, inutile, silencieuse, exprimée uniquement par des gestes en ombre et lumière, entre un homme musulman et une femme juive, entre deux communautés, dans la promiscuité d’une barque bancale et fragile, où l’équilibre se mesure en millimètres et se joue à peu de tempérance près. Suivent les dernières images : celles de l’espoir d’une reconstruction quitte à ce qu’elle soit sur des béquilles parce que plusieurs membres décisifs ont été perdus en cours de route, l’espoir d’une réunion autour de joies quotidiennes de la vie, l’espoir de sourires, l’espoir de retrouver une terre, l’espoir de survivre, l’espoir de simplement se tenir debout côte à côte dans la tolérance face au dynamisme d’une danse.
                                                                           Bande annonce
En sortant de la salle, on se dit « tout ça pour un cochon ! » avec quelque peu d’ironie parce que toutes ces péripéties, et on constate à quel point il est facile de s’enliser rapidement dans une situation complexe et de s’enrôler sans le vouloir dans un groupe terroriste, sont les conséquences d’un petit animal pourtant inoffensif et pêché complètement au hasard. Alors bien sûr on se demande : « qu’est-ce qu’un cochon vietnamien faisait dans les eaux Méditerranéennes ? » mais il n’était qu’un prétexte pour faire un beau film de plus sur le sujet israélo-palestinien mais avec davantage d’humour, de beauté, d’émotion et surtout d’originalité. C’est ce qui marquera le spectateur enthousiaste à la vue de cet hymne au partage.
La poésie est totale, jusqu’à la fin et la musique nous transporte dans un voyage à la fois initiatique et renaissant. Après réflexion, on se dit aussi que tout cet espoir n’est qu’une illusion au pied d’un mur de béton armé gigantesque, on se dit que cette vision poétique et drolatique n’est en fait qu’utopique, qu’elle nous a fait rêver pendant une heure trente et que malheureusement, la réalité est autre. Mais je pense qu’il ne faut tomber ni dans l’optimiste naïf ni dans le défaitisme absolu : les solutions existent, les intérêts communs aussi, il faut creuser des tunnels dans les mentalités pour percer les blocs d’intolérance et il faut aller jusqu’au bout des résolutions.

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