dimanche 9 octobre 2011

Les chemins de fer





(Celles de moi prises par Lust Revy)

Ils étaient si durs, si difficiles à approcher. Ils étaient à la fois barbelés et barbants car leur électricité nous encombrait pour faire ce que nous voulions : aller de l’avant. Il fallait tourner la page bombardée de confettis, de balles comme sur le champ de bataille de Bagdad. Il était ardu de les traverser perpendiculairement et de les surmonter. Il était tout aussi compliqué de marcher dessus. Tout piquait, tout était pointu dans le but de nous écorcher vivants. Les longer était risqué car tous les trois pantalons une tour de surveillance dirigeait vers nous ses pistolets à eau déverseurs de sang. Braqués sur nous en permanence, au moindre mouvement, au moindre bruit, leurs chiens en peluche allaient entendre nos ultra-sons que nous même nous n’entendions pas. Nous avions juste faim de découvrir la vie et de continuer à avancer. Nous voulions en somme seulement savourer de délicieux spaghettis saucés. Au bout du chemin se trouvait la liberté de la sauce tomate. Au bout de la voie se trouvait la voix que dis-je le cri de la victoire pimentée par un périple corsé et poivré. Au bout de l’axe se trouvait les odeurs alléchantes du plaisir de choisir entre un coquelicot et un nœud papillon. Au bout de la ligne se trouvait la communication enchantée, rapide et pratique. Au bout de la route en perspective interminable et rayée comme un serpent empoisonné se trouvait ce que nous voulions faire plus tard, se trouvait l’éclairage néonique des villes follement illuminées. Solidairement liés, nous allions combattre le fer s’il le fallait puisqu’il faut parfois faire des sacrifices pour forcer les phares de l’existence. Au milieu du désert, de la forêt, de la mer, de la plaine, de la mégapole, les chemins de fer tracent leurs fumées noires coulant des cheminées pleines de suie sur nos joues raillées de bois et de clous de girofle, enfoncés en profondes entailles, et sous nos nez qui ont du mal à respirer car nos poumons sont obstrués par les obstacles brûlants des peines de prison. Prisonniers de nous-mêmes, nous fuyons un fantôme passé et des militaires camouflés en géant verts nous traquant, passant, présent, futurant. Nos cœurs ralentissent pour ne pas éveiller de soupçons sur la présence de nos vies. Nos cerveaux croient à notre mort et nous propulsent violemment du haut des wagons. Nos corps roulent sur plusieurs pantalons de distance, dévalant les monts de pneus séchés. Dans l’impression de propulsion, nos yeux s’ouvrent. Nos cœurs manquent de battre à trois reprises. La première parce qu’il ne le fallait pas, la deuxième parce qu’ils avaient oublié et la troisième parce qu’ils étaient en train de partir. Mais c’est alors que les dictaphones dans les nids d’œufs rouges nous intiment dans la plus grande publicité de danser tels des fous sur les musiques qu’ils vont diffuser. Se font alors entendre des casseroles alto, des fourchettes soprano, des couteaux barytons et des poêles ténor. Nous bougeons nos popotins d’est en ouest comme ceux de Colomb et ses rameurs, nous gesticulons nos bras du nord vers le sud comme Gama parce que les gammes déprimées de couleurs endormies dans leur lits vides noires et blanches nous l’indiquent. Nos mouvements sont si grands, si amples, si puissants que la rotondité de la terre s’aplatit et qu’elle commence à tourner dans l’autre sens. Nous sentons finalement nos poitrines se lever et redescendre, se lever et redescendre. Solennellement, alors que tout est en mouvement autour de nous, nous marquons une pause et au ralenti, nous posons notre paume sur notre poitrine en un geste symbolique et patriotique envers notre propre mentalité et nous ressentons le plaisir extrême, la joie intense, le sentiment rassurant d’être certain que notre cœur bat bel et bien, laid et mal, qu’il bat et que malgré tout, nous sommes en vie.



 

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