samedi 9 octobre 2010

"Je dois partir et vivre ou rester et mourir"


Au fond ça se tient.
Le choc devant l'image désolante de ces colonnes qui supportaient notre passé, symbolisaient notre présent et soutenaient notre futur. Elles étaient là, tranquilles, ne demandant rien à personne, observant chaque âme passante se construire peu à peu. Elles maintenaient leurs présences, solidement attachées à leurs racines dans le sol. Elles laissaient nos dos fatigués s'appuyer contre elles. Elles assistaient à nos rires, nos délires et nos concerts. A nos stress et à nos révisions. Elles étaient présentes sans que nous les voyions. Vite et rapidement, elles s'écroulèrent. Un simple vent rageur les balaya et les arracha aussi facilement que nous partions tous dans nos propres directions. Certains rêves s'écroulant et se brisant, comme elles. D'autres se forgeant, se reconstruisant après tant d'hésitations, d'illusions, de doutes et de faux espoirs. Chaque petite pierre constituant chaque personne et des groupes qui se morcèlent, laissant place à des larmes d'autant plus séparées. Tout était là, par terre, gisant paisiblement après la tempête, au milieu des herbes folles qui poussaient déjà dans tous les sens, envahissant les nervures de pierre. Les tiges et les feuilles recouvraient comme un voile macabre la scène du crime. Le macchabé était enveloppé de ce végétal tissu funèbre et végétatif. Mais les victimes étaient également des êtres vivants, des plantes grimpantes, des glycines. Ces belles fleurs violacées qui s'envolaient sur les cheveux des filles, harmonieusement dansantes avec le vent, étaient désormais écrasées comme de vulgaires pétales minusculement ridicules dont la belle couleur pâle avait viré au violet des blessures subies après les coups de poing. C’était une aire qui touchait à sa fin, éradiquée par un air puissant, vivifiant, revigorant. Mais ce n’était que le début de la fin. C’était le début d’une fin longue et douloureuse. Une fin qui se faisait attendre. Une fin languissante. Une fin que le temps avait portée dans son ventre deux années. Deux années de gestation. Et il avait fallu encore une année pour que le temps accouche de cette fin qui menait à notre existence. Une année de contractions et d’allées et venues. Une année de retours en arrière et de bonds en avant. Une fin qui menait à une nouvelle existence. A présent, nous devrons nous débrouiller seuls, sans l’aide de pylônes pour nous soutenir en cas de malaise, en cas de problème, en cas de difficulté, en cas de souffrance. Personne pour nous aider. Personne. C’était le symbole concret de l’achèvement d’une période de notre vie. C’était la manifestation physique de l’aboutissement de nos espoirs. C’était juste une image choquante, désolante et triste. C’était juste une image qui nous laissait bouche bée et yeux mouillés. C’était juste la chute. C’était juste la perte. De l’innocence, de l’immaturité, de la paresse, du sommeil, du manque de travail, de rigueur et d’assiduité, des êtres chers, des êtres à peine trouvés qu’il faut déjà quitter. C’était le début d’une nouvelle aire.
Et si finalement, il fallait y retourner et tout affronter encore et encore, inlassablement ? Et si finalement, il fallait regarder ce désastre si douloureux tous les prochains jours que nous allions vivre ?



Le chemin vers les ruines romaines. Le toit de prison. L'aile nervurée. Les dalles d'un échiquier. Une marelle d'enfants.


Creative Commons License© - Tous droits réservés -

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire